Pourquoi 70% des changements n’atteignent pas leurs objectifs ? |
D’après une étude nord-américaine intitulée « Conduire le changement : Pourquoi les efforts de transformation échouent », publiée en 1995 dans la célèbre Harvard Business Review, seuls 30% des changements organisationnels réussissent, ou, en d’autres termes, 70 % des changements organisationnels n’atteignent pas leurs objectifs. [1] 10 ans plus tard, les choses n’ont guère progressé. En 2006, le cabinet en conseil stratégique McKinsey & Company a interrogé 1546 dirigeants d’entreprise pour savoir s’ils estimaient leur tentatives de réorganisations « complètement / principalement » réussies : seuls 30% se montraient satisfaits des résultats, le taux d’échec partiel ou total persistant donc à 70%.[2]
Les raisons de cet échec sont la plupart du temps liées aux facteurs humains, généralement qualifiés un peu rapidement de « résistance au changement ». On contraste alors dans les discussions en aparté – entre gens connaissant le contexte économique international – l’intelligence adaptative des cadres dirigeants engagés dans une stratégie de survie pour l’entreprise à l’inertie irréfléchie et obtuse des strates laborieuses. Il ne s’agit pas ici de minimiser la réalité de la résistance psychologique au changement. Toutefois, ce schéma bien commode de l’irrationalité de la « résistance au changement » de leurs troupes pour les cadres dirigeants pourrait n’être qu’une feuille de vigne pour masquer une insuffisance prise en compte des besoins et motivations des salariés. Car cette « résistance au changement », un peu trop souvent convoquée sur le mode « irrationnel » peut fréquemment s’analyser en termes beaucoup plus rationnels.
Une autre étude du cabinet McKinsey sur « La vérité dérangeante sur la Gestion du changement : Pourquoi ça ne marche pas et que peut-on y faire ? » a cherché à comprendre pourquoi autant de projets de changements organisationnels échouaient. D’après diverses enquêtes, la grande majorité des échecs ne découlent pas de causes « techniques » (par exemple : budget insuffisant, mauvais déploiement des moyens, mauvaise architecture du changement), mais de causes « humaines » : l’attitude des salariés et le comportement des managers.[3]
Il faut dire que bien souvent, à partir du moment où un projet de réorganisation est décidé par la Direction d’une entreprise, le personnel a en général le choix entre subir le changement ou quitter l’organisation. La communication, lorsque communication il y a, sert à convaincre les salariés des bienfaits du changement. D’après les deux analystes de McKinsey, « des dirigeants bien intentionnés investissent beaucoup de temps » – lorsqu’il le font – « pour communiquer leur histoire du changement », avec différents outils de communication tous plus impressionnants les uns que les autres (journal interne, écrans vidéos, intranet, etc.), « mais la vérité dérangeante est que la plus grande partie de l’énergie dépensée à vouloir communiquer serait bien plus efficace si on la passait à écouter, au lieu de parler » (p.4). De manière générale, selon cette étude, l’échec d’une bonne partie des « gestions du changement » vient de l’inadéquation entre la politique générale du changement et la prise en compte du fonctionnement et des besoins des personnes qui travaillent dans l’entreprise.
[1] Kotter, John, “Leading Change: Why Transformation Efforts Fail”, Harvard Business Review, March–April 1995, p 1.
[2] Isern, Joseph and Pung, Caroline, “Organizing for successful change management: A McKinsey global survey”, The McKinsey Quarterly, June 2006.
[3] « The Inconvenient Truth About Change Management. Why it isn’t working and what to do about it » by Scott Keller and Carolyn Aiken, McKinsey & Company, http://www.mckinsey.com/App_Media/Reports/Financial_Services/The_Inconvenient_Truth_About_Change_Management.pdf